"La prière": un regard d'aujourd'hui.
La prière de Jean-Marc Roberts (Flammarion)
Un petit livre plutôt bien. Bon, je ne suis pas totalement emballée non plus mais il y a quelques idées intéressantes tout de même. J'aime beaucoup quand le roman suit un même personnage tout au
long de sa vie. C'est le cas ici, et cela permet de comprendre l'évolution du personnage à travers quelques temps forts bien rythmés.
De plus c'est un roman très moderne, l'auteur s'inspire des menaces qui planent sur nos sociétés occidentales pour les intégrer à l'histoire. L'écriture est fluide, le livre se lit facilement mais ne me laissera pas un souvenir impérissable non plus.
"Jeu de dames": puissant.
Jeu de dames de Mario Bellatin (Gallimard)
J'ai beaucoup aimé ce court roman. Deux histoires se croisent et se mélangent pour donner une sorte de fable intrigante. Un gynécologue volage nous raconte son existence et le décès de son
fils avec une certaine froideur et un petit garçon vit une expérience digne d'un conte de fée. Et nous, lecteurs, nous sommes envahit par les émotions que transmet ce texte.
L'écriture est fluide et puissante, et la structure de la première partie est telle qu'on ne peut tout simplement pas lâcher le roman. L'auteur joue avec nous, nous entraîne sur de fausses
voies, nous étonne, nous émeut.
Un livre excellent qui laisse une impression prégnante, un peu amère et qui nous pousse à nous interroger sur nos vies.
"Sur la plage de Chesil": ah... magnifique!
Sur la plage de Chesil de Ian McEwan (Gallimard)
Un très beau roman. McEwan a l'art de nous entraîner dans des histoires fortes et parfaitement bien rythmées. Ce court roman a quelque chose de la nouvelle dans sa structure et se lit avec
beaucoup de facilité. Le lecteur est projeté au coeur des années 60, une époque où les bouleversement sociaux ne vont pas au même rythme pour tous... Les personnages sont forts, justes
et attachants et les moindres détails sont étudiés de manière a nous présenter les héros comme des êtres singuliers.
L'écriture est toujours aussi fluide (servie par une très bonne traduction) et rend la lecture particulièrement agréable. Je retiens la scène de la nuit de noce où l'écriture atteint son apogée
et transcrit les émotions et les sensations à la perfection!
Seule fausse note: la fin qui m'a légèrement déçue... Mais ça n'a pas suffit à ternir l'impression d'ensemble: juste merveilleux!
"Animals": bizarre bizarre...
Animalsde Keith Ridgway (Phébus)
Un roman plutôt étrange qui me laisse perplexe. Le personnage principal flirte avec la folie et l'intrigue est assez lente à se mettre en place. Tout est bizarre dans ce livre, ce n'est pas
désagréable mais parfois un peu perturbant au niveau de la lecture. J'ai du revenir en arrière à plusieurs reprises pour être sure d'avoir bien lu. C'est aussi une réussite: le personnage
borderline nous entraine dans son univers perturbé et pourtant très commun.
Je vous le conseille donc, il se lit très bien mais laisse une impression un peu désagréable... Et il pose cette question que j'aime tant: et si nous étions tous fous et capables du pire?
"Les éclaireurs": passionnant et instructif!
Les éclaireurs d'Antoine Bello (Gallimard)
J'attendais avec impatience la suite des Falsificateurs et je n'ai pas été déçue! L'histoire est aussi palpitante et instructive que dans le
premier opus. Cette fois-ci l'intrigue tourne principalement autour des attentats du 11 septembre 2001 et de la guerre en Irak, des sujets compliqués et récents avec lesquels l'auteur jongle à
merveille pour nous entraîner dans ce roman géopolitique.
Toutefois j'ai noté que si le travail de fond est impressionnant, la forme est un peu laissée de côté... Les métaphores sont poussives et le style de l'auteur presque inexistant. J'ai
quelques réticences sur le principe aux romans trop centrés sur l'histoire et qui laissent de côté le travail poétique et stylistique... Mais le tout passe très bien, au pire est-ce un peu
différent de ce que je lis d'habitude mais même sans qualité littéraire ce roman ambitieux tient toutes ces promesses... J'espère qu'Antoine Bello nous prépare déjà une suite!
"Sauvagerie": la folie nécessaire.
Sauvagerie de J.G. Ballard (Tristam)
"Dans une société totalement saine, la folie est la seule liberté"
Cette phrase extraite de ce court roman reflète très bien l'atmosphère du livre. Le narrateur est un psychiatre chargé d'enquêter sur un événement étrange et inexpliqué. En effet, dans un
lotissement ultra sécurisé réservé à l'élite, tous les adultes ont été assassinés et les enfants enlevés.
A partir de là, on se lance dans une réflexion sur le tout-sécuritaire, sur les préjugés et sur la souffrance de notre société hyper cadrée. Ce n'est pas un roman policier, l'énigme en elle-même
n'est pas difficile à résoudre mais l'auteur arrive tout de même à créer un suspens digne d'un thriller. La véritable question n'est pas "qui a commis les crimes et pourquoi?" mais "comment
a-t-on pu commettre de tels crimes dans cet environnement si sûr et dans cette société idéalisée?". Cette question rend l'intrigue passionnante et le roman se lit d'une traite.
Un livre à lire comme une fable... Et à lire absolument pour se repositionner face à la dérive sécuritaire et à l'uniformisation de notre société!
"Glyphe": surprenant!
Glyphe de Percival Everett (Actes Sud)
Un roman compliqué. La structure de ce livre est plus qu'ambitieuse... Et je l'ai lu en diagonale. Autant j'ai adoré l'hisoire en elle-même, autant sa composition faite de bribes d'histoires, de
dialogues imaginaires, de poèmes complexes de mots inventés et d'équations mathématiques m'a décontenancée. Je ne saurai pas vraiment dire si j'ai aimé ce livre ou pas. Mais j'admire la
hardiesse de l'auteur et son humour. La présence de Roland Barthes comme personnage dans un roman qui se joue autant des règles narratives est un clin d'oeil plutôt réussi.
Mais ne lisez pas ce livre si vous cherchez à vous détendre pendant vos vacances! Par contre, pour tous les étudiants en lettres et les curieux, cet ovni littéraire peut valoir qu'on se
penche dessus! Et chacun peut y prendre ce qui l'intéresse, c'est ça qui est merveilleux avec la littérature!
"Glu": un roman qui porte bien son nom: attachant, marquant et indispensable.
Glu d'Irvine Welsh (Au diable Vauvert)
Je me suis plongée avec plaisir dans le nouveau roman de Welsh... Mais j'ai été un peu déçue. Non pas par l'écriture qui reste toujours aussi époustouflante de cohérence ni par le style toujours
aussi incisif, mais par les thèmes abordés. En effet, c'est une très belle histoire d'amitié que nous conte l'auteur mais elle a comme base la vie dans une cité écossaise (et ne connaissant
pas du tout ce pays je suis un peu perdue) et le foot version hooligan (et là ça me dépasse franchement!). Heureusement, j'avais révisé pour ce qui est de la géographie d'Edimbourg avec ses
précédents romans. On retrouve d'ailleurs dans celui-ci des personnages récurrents de ses livres, ce qui est un vrai plaisir.
Mais toute une partie du roman (celle qui concerne le foot) reste obscure pour moi... Heureusement les quatres personnages principaux attachants et le style percutant ont
gommés mes difficultés à saisir l'intérêt de certains passages.
Et il y a la fin du roman... Et là je dois dire qu'elle est juste magistral. Les cent dernières pages (le roman en compte quand même 654!) sont tout simplement magnifiques. J'ai même versé
quelques larmes, ce à quoi je ne m'attendais pas. Outre l'émotion rendue par une traduction toujours aussi impeccable, la maîtrise de l'auteur permet de dire que c'est une fois de plus un
grand roman que nous offre Irvine Welsh. Et ce roman, il nous l'offre avec générosité et pudeur... merci!
"Recettes intimes de grands chefs": délectable...
Recettes intimes de grands chefs d'Irvine Welsh (Au diable Vauvert)
Un roman fleuve, époustouflant de maîtrise et de vivacité. Les deux personnages principaux sont un peu différents de ceux que dépeint habituellement Irvine Welsh: ils sont rangés, plus
tranquilles et policés (du moins en apparence). Au début, tout va bien... Ils travaillent ensemble mais n'ont pas grand chose en commun. Et la haine va s'installer, faisant souffler un vent
de folie qui va les pousser jusque dans leurs derniers retranchements
Tout est dépeint avec brio, avec une force et une violence admirables, le moindre personnage ayant une profondeur incroyable.
Et l'auteur nous entraîne dans le monde peu connu des cuisines étoilées, avec une assurance, un langage, une cohérence qui fait que les 554 pages sont dévorées en un rien de temps...
"l'aliéniste": cruel et instructif.
L'aliéniste de Caleb Carr (Presses de la Cité)
Un polar très intéressant... L'histoire se déroule aux Etats-Unis en 1896. Roosevelt, futur président, est alors préfet de la police de New York. Déjà, j'aime beaucoup quand l'auteur a l'audace de faire d'un personnage historique un personnage de roman. En effet cela sous-entend un travail important en amont et j'aime bien savoir que l'auteur a effectué des recherches et ne s'est pas contenté de nous pondre une histoire aussi bien écrite soit-elle.
De plus, le personnage principal du roman est un "aliéniste", terme désuet qui correspond en fait aux premiers psychiatres. Utilisant des notions de psychologie et de psychanalyse, les enquêteurs vont traquer un tueur en série redoutable, une sorte de Jack l'éventreur américain.
On a de tout dans ce livre: de la violence et de l'action, de la réflexion et de quoi satisfaire sa curiosité en découvrant les balbutiements de la criminologie et de la psychologie appliquée. Pas mal pour un polar!